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The original was posted on /r/france by /u/erilysse on 2023-10-14 19:25:05.
Jeudi dernier, je me suis fait mal au pied. Un truc bête, j'explose mon orteil sur un coin de meuble. ça arrive à beaucoup de gens vous me direz.
Sur le coup, je me tords de douleur, mais hop je mets de la glace et la tension se dissipe. J'ai encore mal, mais de toute façon, c'est l'heure de dormir. Je ne m'inquiète pas, après tout, ce n'est pas la première fois que ça m'arrive.
Le lendemain matin, je me lève et je me rends vite compte que poser mon pied est un "NOGO" pour mon cerveau. J'essaye tout de même d'aller au travail, en bon petit esclave du capitalisme, mais je fais demi-tour aussi sec. Soyons raisonnables deux minutes : si j'ai les larmes aux yeux après avoir enfilé une chaussette, et que ça me fait grimacer à chaque pas, les transports en commun vont très vite devenir insupportables.
Je préviens que je serais absente au boulot, et je prends rendez-vous avec un médecin.
Certains me diront "pourquoi ne pas être allée aux urgences ?", et je leurs répondrais ceci : j'ai déjà fait l'expérience du pied pété aux urgences, ça a été les 18h les plus longs de ma vie, sans aucune distraction possible (ni nourriture d'ailleurs).
Mais revenons à nos moutons. Première surprise (qui n'en est plus vraiment une) : c'est un parcours de combattant pour voir un médecin en urgence.
Comme beaucoup de jeunes, il est impossible pour moi de voir mon médecin traitant : il est domicilié près de chez mes parents (à 2h de route), et de toute façon il n'a pas de place avant le 15 décembre.
Alors j'épluche frénétiquement les créneaux sur Doctolib, et j'en trouve finalement un à 50min de transports. Les plus proches n'ont soit pas de créneaux, soit ne reçoivent pas les patients "occasionnels". Je me dis qu'au pire, j'irais en taxi. (merci mon poste en informatique, j'aurais été pauvre ça aurait pas été le même délire)
Samedi, je m'arme donc de mes 70 euros pour payer un Uber pour l'aller-retour. Ouch. J'y survivrais, mais ça fait chère payé les 20min de trajet. Globalement, comme je l'avais prévu, il faut faire une radio puis REPRENDRE rendez-vous avec le médecin pour avoir le verdict final : me voilà obligé de réserver, non pas une, mais 2 consultations.
Vous voyez où je veux en venir : je n'ai bien entendu, pas de rendez-vous avant lundi et mardi. Les secrétariats sont fermés donc je ne peux même pas mendier un rdv d'urgence, et le premier médecin que j'ai vu n'est pas disponible avant 1 semaine. Sachant qu'il ne m'a délivré aucun arrêt de travail, je ne vais pas prendre le risque de perdre une semaine de salaire pour ses beaux yeux. Tant pis pour le suivi médical.
J'ai ici ma seconde prise de conscience : la pénurie des médecins et l'obligation de l'arrêt de travail provoquent chez les gens un état d'esprit de mercenaire. En effet, quand tu joues ton salaire (et donc concrètement ta vie, pour les précaires) à la rapidité d'avoir un rendez-vous médical et un arrêt, bah tu te permets beaucoup plus facilement de prendre mais aussi d'annuler tes rendez-vous.
Et je dis ça alors que j'habite en proche banlieue parisienne. J'imagine même pas ce que doivent vivre les gens à la campagne.
Je me rends aussi compte qu'être immobilisée dans une société individualiste, c'est signer son arrêt de mort. Je sais que j'exagère, mais quand on n'est ni véhiculé, ni accompagné par ses proches, bah seul le fait d'être riche peut vous aider (cf. Uber). Vous ne pouvez rien faire, ou alors il faut être prêt à souffrir (et prendre le risque d'aggraver ses blessures).
Donc comme une teuteu, je suis allée chercher mon colis toute seule en clopinant. J'ai fais aussi des courses (là aussi, si vous avez les moyens, vous pouvez vous permettre de commander). et allée à la pharmacie. Tout ça pour qu'ils me disent "désolé on a pas ce qu'il vous faut pour stabiliser le pied, revenez lundi".
En conclusion, tout ça m'a foutu le cafard. Vous me direz, au moins, on est tous égaux face à la solitude que provoque maladie ou blessure. L'important c'est d'avoir des proches près de soi, et quand on ne les as pas, et bien...
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