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Projet PERICLES : Stérin met la main sur le sud 41
Le tentaculaire projet PERICLES (Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, Souverainistes), dévoilé à l’été 2024 par l’Humanité [3], connaît une nouvelle illustration en cette rentrée 2025. L’ouverture d’un établissement hors contrat à Nouan-Le-Fuzelier, en plein cœur de la Sologne, avec comme but non avoué de former les futurs cadres de la droite (la plus) extrême fait polémique.
Depuis une dizaine d’années, la mouvance intégriste multiplie les ouvertures d’établissements, souvent hors contrat, partout en France et particulièrement dans la région Centre-Val-de-Loire. L’an dernier, le projet de regroupement des « œuvres » de l’intégriste Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) à Chanceaux-sur-Choisille, au nord de Tours, a suffisamment cristallisé les peurs pour être sous surveillance de la Préfecture… qui a toutefois laissé faire.
Séparatisme de classe
Jusqu’à récemment, c’était la Fondation pour l’école, créée en 2008 et plusieurs fois lauréate de la Nuit du Bien Commun (voir encadré), qui était à la manœuvre. Elle a versé plus de 50 millions d’euros, pour la période 2008-2020 (d’après son site internet) à des projets et établissements scolaires dits « libres », c’est-à-dire hors contrat. Désormais, Stérin ne se contente plus de financer mais lance son propre projet avec les Académies Saint-Louis : celles-ci sont soutenues par les Associations familiales catholiques, Saint-Joseph Éducation – dont il reprend la charte pour l’éducation intégrale – et... la Fondation pour l’école !
L’Académie Saint-Louis de Chalès, collège catholique à la non-mixité revendiquée par son très homophobe directeur Jean-Cyrille Péroteau [1], a été validée le 18 juillet par le rectorat, date tardive pour une rentrée en septembre. L’établissement, dont le fonctionnement en capitainerie s’inspire des houses de l’ultra select Eton College, prévoit d’accueillir une soixantaine d’élèves pour un coût annuel de 4 500 euros à 14 500 euros selon le quotient familial ! Avec le projet à moyen terme d’ouvrir une académie par région, la visée est évidemment élitiste quand on sait que le second degré compte environ 5,65 millions d’élèves. Ajoutons le financement de l’association de gestion du groupe scolaire par de « généreux donateurs » (avec nos impôts grâce aux déductions fiscales [2]) tel Stérin (principal donateur) et la boucle est bouclée. En bref, une nouvelle étape de « la colonisation de la Sologne par les ultra riches » comme le décrit Jean-Baptiste Forray dans Les nouveaux seigneurs (Les Arènes, 2024).
Certaines voix s’élèvent néanmoins contre le projet. « Philanthropie ne rime pas avec démocratie » : c’est ce qu’indique en résumé la lettre du 8 juillet envoyée au recteur, au préfet et au procureur de la République. Signée par plusieurs dizaines d’organisations et 160 personnalités, la missive de deux pages s’opposant à l’ouverture de l’établissement détaille les dangers prévisibles et les entourloupes déployées pour tromper le rectorat qui n’en est pourtant pas à son premier cas problématique.
Un agenda réactionnaire
Le groupe scolaire privé hors contrat de La Martinerie, situé à Déols (nord de Châteauroux), est un cas d’école. Ainsi cet extrait du rapport d’inspection de mars 2022 s’applique parfaitement au projet de Chalès qui a pourtant le plein soutien du maire de Nouan-Le-Fuzelier : « L’absence totale de mixité, le passéisme revendiqué, la prégnance de la religion maintiennent les élèves dans un entre-soi qui ne leur permet pas de développer leur esprit critique ni de se forger leur propre opinion ». Malgré le scandale Bétharram, encore frais, les services rectoraux ont pourtant dit oui sans réserve. Il se peut que les méthodes juridiques très agressives propres à la mouvance intégriste (de Stérin à la FSSPX) aient mis sous pression les services de l’Éducation nationale. Néanmoins, c’est avant tout un choix ouvertement politique qui a été fait dans une académie gravement gangrénée par un réseau d’établissements hors contrat en pleine expansion. Après le scandale autour des Nuits du Bien commun, la nébuleuse Stérin aurait probablement été moins agressive même si, évidemment, l’ouverture de ce premier établissement a valeur de crash test à ne pas rater. Or, silence radio du côté de la Préfecture du Loir-et-Cher alors que celle du Gers a pris un arrêté le 8 avril pour fermer jusqu’à la fin de l’année une école hors contrat formant à « la contre-révolution catholique ». Cet été, l’association Transmissio, qui organise au domaine de Chalès « des vacances avec le bon Dieu », relève de cette même mouvance. Dans ce cadre sont prévues deux conférences aux titres évocateurs : « la loi naturelle au défi de la laïcité » et « le piège de la laïcité » ; la préfecture attend-elle un retour de ces journées pour agir enfin ?
Nico (UCL Tours)
LA NUIT DU BIEN COMMUN : CHARITÉ BIEN ORDONNÉE...
Fondée en 2017 par les hommes d’affaires Pierre-Édouard Stérin, Stanislas Billot de Lochner, et Thibault Farrenq, la Nuit du Bien Commun est un fonds de dotation qui se décrit comme « le tremplin des associations qui bâtissent l’avenir ». En réalité, il s’agit d’une organisation philanthropique mettant en lien de riches conservateur·ices et des initiatives dont le fonds idéologique va du conservatisme à l’extrême droite pur jus. Depuis 2021, on trouve notamment à sa présidence Louis de Bourbon, le très royaliste prétendant au trône de France. Le fonds étant reconnu « d’interêt public », il permet aux donateurs et aux donatrices de bénéficier d’une déduction fiscale de 66 % du montant de leur don.
Parmi les projets soutenus, outre des établissements privés hors contrat, on trouve l’Institut libre du journalisme, conçu pour former des journalistes conservateurs, et faisant notamment intervenir Geoffroy Lejeune (directeur de la rédaction du JDD, ancien de Valeurs actuelles). Mais aussi des associations anti-IVG comme Maman vogue, et une myriade d’initiatives catholiques plus ou moins radicales. Dans la droite ligne de la charte du Bien Commun, qui prône une politique chrétienne, antiprogressiste et nataliste.
Au fil des années, l’évènement a pris une ampleur considérable. La dernière édition se tenait en décembre 2024 à l’Olympia, et à permit de récolter 1,4 million d’euros. Mais au-delà de l’argent, ces évènements sont aussi de véritables incubateurs servant à renforcer les réseaux de l’extrême droite et à consolider son unité.
[1] En 2015, alors chef d’établissement de Notre-Dame-des-Aydes à Blois, Jean-Cyrille Péroteau annule la séance ciné organisée par Ciné’fil projetant Pride de Matthew Warchus et se fait épingler par SOS Homophobie : voir Anne Richoux, « Cachez ce film que je ne saurais voir », La Nouvelle République, édition Loir-et-Cher, 14 janvier 2015 ; Julien Massillon, « Pourquoi un chef d’établissement a interdit à des élèves de voir “Pride” », Komitid, 16 janvier 2015.
[2] Voir le rapport de la Cour des comptes du 20 octobre 2020 consacré à SOS Éducation et citant plusieurs fois la Fondation pour l’école.
[3] Thomas Lemahieu, « Projet Périclès : le document qui dit tout du plan de Pierre-Édouard Stérin pour installer le RN au pouvoir », L’Humanité ; voir aussi la série « Pierre-Édouard Stérin, saint patron de l’extrême droite française ».